de Street Art
Saint-Quentin en Picardie, où chaque année à lieu le festival Street-Art « Ceci n’est pas un tag ».
L’occasion pour nous de revenir sur ce phénomène, qui badigeonne de couleurs, de silhouettes et de visages les murs de la ville. Car au détour des rues saint-quentinoises se trouvent de multiples œuvres hybrides et éphémères, ancrées dans leur environnement et leur époque.
La ville picarde est internationalement connue pour son emplacement stratégique pendant les batailles de front de la Première Guerre Mondiale. Réduite en ruines, les ravages de la guerre engendrent sa reconstruction dans le style Art-Déco des années 1920.
Cependant, l’identité architecturale de la ville, toute en fer forgé, bow-windows et briques rouges, caractéristiques du Nord de la France, rivalise désormais avec le mouvement du Street Art.
Les riverains, en grande majorité, sont enchantés par les œuvres mouvantes qui parcourent les rues. Certains proposent eux-mêmes leur bout de mur, en offrande aux artistes. Le Service de la Culture réalise tous les ans un appel à la population via la Presse locale et les réseaux sociaux, les demandes sont nombreuses. Elle constitueront le plus grand du festival, les collaborations « officielles ». Mais comme dans chaque évènement culturel majeur, un festival « off », plus secret, aura également lieu.
Plus qu’un musée à ciel ouvert, le dispositif du festival « Ceci n’est pas un tag » participe au tissage de liens entre les habitants et les graffeurs environnants. Il est la preuve vivante que le choc des cultures peut avoir du bon, beaucoup de bon.
De tous temps, les hommes ont écrit sur les murs. Le festival s’inscrit donc dans la continuité des traditions. La guide-conférencière passionnée de l’office de tourisme qui accompagne les curieux ou les férus de Street Art à travers la ville l’a bien compris. Elle évoque les anciens cachots et les dessins gravés dans la pierre par les prisonniers, tout n’est que continuité : celle de l’expression de soi.
Du hip-hop blaze new-yorkais jusqu’aux rues de Saint-Quentin, il y a eu bien du grabuge. Aujourd’hui, le Street Art est un mouvement généralisé et un art popularisé. Les artistes qui exposent dans cette ville ne se fâcheront pas lorsqu’ils découvriront leur œuvre toyée, c’est-à-dire, recouverte par une autre.
D’ailleurs, certains n’hésitent pas à jouer de leur environnement et les éléments urbains se mêlent à leurs créations.
Près du centre-ville, un transformateur électrique a été pris d’assaut lors du dernier festival.
Détails sur le transformateur, artistes anonymes.
Les artistes sont traversés par deux idées majeures. Celle de l’appropriation de la ville, il faut la modeler selon nos états, nos envies, nos peurs, qu’elle devienne réellement nôtre. Mais aussi et surtout, c’est le désir d’amener l’Art dans la rue pour qu’il appartienne à tout le monde, qui prime.
L’aspect communautaire d’un tel évènement rayonne jusqu’au prochain. L’artiste OSTER invite ses amis et ses enfants à participer à ses réalisations.
Au détour d’un virage dans le quartier Europe, le quartier le plus populaire de la ville, la fresque de Zabou impressionne.
L’artiste est une adepte des concours nationaux de street-art, elle imagine systématiquement son œuvre en rapport avec son emplacement dans la ville. Ici, la maternité est très proche.
Sur une façade, un portrait réaliste d’une jeune mère et de son enfant siège en noir et blanc. Auréolé de couleurs vives, c’est une vision humaniste et intime qui nous surprend, comme un mirage.
Zabou travaille un peu partout dans le monde, ses fresques les plus connues se trouvent dans les favelas d’Amérique Latine.
Alors, ceci n’est pas un tag, il s’agit de bien plus. L’initiative culturelle de Saint-Quentin est à saluer. Elle permet une conversation entre les arts, entre les habitants et fait parler d’elle. Car c’est bien dans cette commune des Hauts-de-France que l’on peut trouver autant de pépites et joyaux du Street-Art, de quoi enluminer de longues promenades sous la brise picarde.
Cannelle ANGLADE
Journaliste